Nous sommes au XIXème siècle. En 1832, un certain Leslie Stephen voit le jour à Kensington, Londres. D’abord scolarisé à l’Eton College, il ne tarde pas à rejoindre l’université de Cambridge en 1851, encore bouleversé par la mort violente de son frère Herbert. De retour de Constantinople, il avait été saisi d’une terrible fièvre qui devait le terrasser en quelques jours. Son père James était alors haut fonctionnaire au ministère des colonies, un poste en vue dans l’Empire Britannique. On lui attribue un rôle important dans l’abolition de l’esclavage, qui bien avant les autres grands empires coloniaux, devait intervenir dès 1833 outre-Manche.
Les premiers pas de Leslie Stephen en montagne
Passionné de poésie, Leslie Stephen se plait à faire des études. Longtemps destiné à la prêtrise, il se découvre d’autres passions à son arrivée à Cambridge. L’aviron, d’abord puis la marche ensuite. La dernière année de sa scolarité, en 1857, il découvre les Alpes lors d’un voyage en Allemagne. Rapidement, il délaisse la religion, fâché par les controverses autour des récents écrits de Darwin. De 1858 à 1871, il vient régulièrement passer ses étés dans les Alpes suisses. De juin à septembre, il arpente les sommets avec son guide de prédilection : Melchior Anderegg, que l’on connaît pour avoir accompagné Horace et Lucy Walker.
Au cœur de l’âge d’or de l’alpinisme, il réalise ainsi plusieurs premières sur des sommets imposants. Comme celle du Rimpfischhorn et ses 4.199 mètres, dans le Valais (1859). Celle d’un autre 4.000 : l’Alphubel, 4.206 mètres, au-dessus de Saas-Fee (1860). Ou encore le Zinalrothorn et ses 4.221 mètres (1864). Sur cette dernière ascension, il était accompagné par Florence Crauford Cove qui allait être le premier à gravir l’Elbrouz (5.642m) quelques années plus tard. Président de l’Alpine Club (le Club Alpin Britannique) pendant trois ans, Stephen publie quelques pages pour partager sa passion pour les sommets.
A l’époque des premiers écrits de Whymper, sa prose passe plus inaperçue. Il raconte notamment sa saison en montagne de l’été 1860 dans un ouvrage publié en 1861 sous le titre Vacation Tourists and Notes of Travel. « Aujourd’hui dans les Alpes, gravir une montagne – notamment une nouvelle montagne – n’est généralement qu’une question de temps. ». Il résume bien là l’âge d’or de l’alpinisme qui allait voir s’ouvrir en quelques années toutes les voies normales des Alpes.
Une grande famille…
Il n’en a pas tout à fait fini avec les Alpes quand il épouse Harriet, une amie de la famille. Quelques années plus tard, elle décède des complications d’une grossesse, non sans lui avoir donné une première fille, Laura. Avant sa mort, il publie The Playground of Europe dans lequel il parle des Alpes. « Si un homme aussi ignorant en géographie qu’un garçon venant de quitter l’école, pouvait être transporté en un instant au sommet du Mont Blanc, son impression serait que les Alpes ressemblent à un village où une centaine de taudis se regroupent autour d’une prodigieuse cathédrale ! » écrit-il.
Il se remarie alors avec une modèle pour peintres, veuve depuis 1870. Le mariage a lieu en mars 1878. Viendront ensuite quatre enfants, dont l’ainée Vanessa qui se dirigera vers les arts. Sa deuxième fille, née en 1882, s’appelle Virginia. Elle épousera un ami de lycée de son frère, un certain Leonard Woolf. Virginia Stephen deviendra alors Virginia Woolf, le nom avec lequel elle sera connue comme l’une des plus grandes écrivaines britanniques du début du XXème siècle. Son père sera tour à tour tyrannique et assez permissif, offrant à sa fille la possibilité de devenir écrivain, à une époque où les femmes ne se destinaient guère à ce genre d’occupation…
Illustration principale : Leslie Stephen et sa fille, Virginia © Harvard University