Avec des besoins croissants en neige de culture et la volonté de diminuer leur impact environnemental, les stations de ski réfléchissent à réduire leur consommation en eau. Réutiliser les eaux usées pour produire de la neige semble alors être une option très séduisante. Pas si simple.
Des eaux usées pour la neige de culture ?
Un temps projetée par la station azuréenne de Valberg mais également à Chamonix, l’utilisation des eaux usées pour la neige de culture est une réalité depuis plusieurs années dans une dizaine de stations nord-américaines. Dans le Montana, une station vient de faire une nouvelle demande de permis pour mettre en œuvre cette idée. Une demande qui porte sur quelques 100.000 mètres cubes redirigés des systèmes de retraitement des eaux vers la production de neige de culture. Rien de bien nouveau en Amérique du Nord. Dans certains états américains, c’est presque 90% des eaux usées retraitées qui vivent une deuxième vie notamment pour irriguer des productions agricoles.
La pratique est beaucoup moins développée en France mais elle existe. Elle porte un petit nom : la REUT, pour Réutilisation d’Eaux Usées Traitées. Très utilisée en Espagne pour arroser les cultures maraichères sous serres, elle est encore balbutiante dans l’agriculture française. L’arrosage d’espaces verts ou de golfs avec des eaux usées est de plus en plus courant. Les nouvelles applications émergent doucement. La complexité administrative en la matière entraine de coûteuses études et des délais rallongés. En France comme ailleurs, l’évocation d’expérimentations pour la neige de culture a soulevé craintes et interrogations.
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Les eaux usées traitées toujours contaminées ?
A la sortie des usines de retraitement, l’eau semble limpide. Mais elle est loin de l’être. On n’y voit plus de particules solides, et les bactéries ont été réduites à néant par retraitement et filtrations. Mais de nombreux produits potentiellement toxiques subsistent. Médicaments, produits chimiques et perturbateurs endocriniens ne disparaissent pas si facilement. Et ils se retrouvent dans la neige produite, au cœur de milieux naturels. Les promoteurs de telles approches affirment que ces composants chimiques sont également présents dans l’eau du robinet et qu’il n’y a pas plus de risque avec ces eaux retraitées. Pour autant, on manque de recul et de données pour en être vraiment certain.
La science en retard ?
On sait déjà que la neige de culture « traditionnelle » a un impact sur la chimie des sols. Les eaux prélevées et stockées pour faire fonctionner les canons à neige n’ont pas la même composition que les précipitations. Plusieurs études ont déjà été menées en la matière et soulignent les impacts sur les écosystèmes de la modification de pH des sols. Dans le Montana, il n’existe pas de normes s’agissant de traiter les eaux usées pour en supprimer les polluants pharmaceutiques, les opérateurs du domaine skiable requérant affirment donc que les risques sont marginaux. Le raccourci est facile d’autant que les études indépendantes sont rares. La « science n’en est qu’à ses balbutiements en la matière » souligne Amy Steinmetz du Bureau Public d’Approvisionnement en Eau (lien en anglais) .
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