La station de ski de Sestriere, dans le Piémont italien, a une histoire pas banale. Elle est liée à la famille Agnelli (Fiat) et au soutien du fasciste Benito Mussolini. Lancée en 1922, elle fêtait ses 90 ans cette année.
Au lendemain de la première guerre mondiale, un petit hôtel est inauguré par un habitant du coin, Vincenzo Posseto, à presque 2.000 mètres d’altitude. Sur ce col reliant le Val Chisone et le Val di Susa, seules quelques cabanes de bergers profitaient jusqu’alors du paysage. Alors que la folie du ski commence à s’emparer de la bourgeoisie, un homme d’affaires italien a l’idée de créer une station de ski au cœur des Alpes italiennes. En 1930, Giovanni Agnelli achète des hectares de terrain de montagne et confie à un des futurs cadres des usines familiales Fiat la délicate tâche de faire sortir de terre une station de ski. Sestrières devient une réalité en quelques années. Le petit hôtel de Posseto n’est plus seul. En 1932, les pistes de ski sont ouvertes. Il y a tout juste 90 ans.
En 1934, la commune voit officiellement le jour et les téléphériques tournent déjà à plein régime pour transporter les touristes. Deux tours dénotent dans le paysage montagnard mais ces bâtiments construits selon l’architecture fasciste promue à l’époque deviennent le symbole de cette ville nouvelle en altitude. Car ce développement se fait à une époque bien particulière pour l’Italie.
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Le soutien du pouvoir fasciste
Au pouvoir depuis le début des années 1920, Benito Mussolini cherche à conquérir les masses en poussant le développement du sport et des loisirs. L’idée d’Agnelli, fervent supporter de Mussolini et de ses idées, tombe à point nommé. Le régime soutient l’initiative en construisant des infrastructures pour amener les touristes en montagne. Routes et voies ferrées se développent à cette époque dans la région. En 1935, le Régime instaure le « samedi fasciste » encourageant les classes ouvrières à profiter des loisirs. Un coup de pouce pour cette industrie du ski naissante. Sestrières est à moins de deux heures d’une grande ville ouvrière du nord de l’Italie, Turin.
L’idéologie fasciste gagnant du terrain, on parle alors de Sestriere. L’accent et le « s », marques de la proximité historique et géographique avec le voisin français, n’ont plus lieu d’être. Au départ, l’entreprise de la famille Agnelli est propriétaire d’à peu près toute la station, des hôtels aux remontées mécaniques en passant par l’église Sant’Edoardo (hommage à Edoardo, fils de Giovanni Agnelli, mort dans un accident d’avion). Une logique de diversification pour le constructeur automobile. Avant la seconde guerre mondiale, Sestriere accueille de plus en plus de visiteurs. Bruno et Vittorio Mussolini, les fils du Duce, sont là fréquemment. Une clientèle huppée se plait alors à venir s’essayer au ski.
Sestriere passe sous giron anglais
La station de Sestriere sera très endommagée durant la seconde guerre mondiale puis renaitra de ses cendres dans les années 1950, toujours sous l’impulsion du clan Agnelli. Mussolini n’est plus mais les industriels turinois sont toujours là et leurs liens avec la sphère politique aussi. Sestriere et la région de Turin ont ainsi obtenu l’organisation des Jeux Olympiques de 2006. Progressivement, les Agnelli se sont désengagés de la station, vieillissante. En 2022, la société d’exploitation des remontées mécaniques – dernière possession majeure de la famille à Sestriere – a été vendue à un fonds d’investissement anglais. Ce dernier promet de rénover et moderniser la station mais les investissements annoncés pourraient se révéler bien faibles face à l’ampleur de la tâche.
Illustration © Carlo Z | CC BY SA 3.0