Un des arguments pour maintenir les domaines skiables fermés à Noël est la pression qui s’exerce en cette fin d’année sur les hôpitaux de montagne, à cause du covid. Et si les personnels hospitaliers sont moins vocaux que les professionnels du tourisme, leurs situations sont loin d’être enviables. Quelle est la situation actuelle dans ces hôpitaux ? Est-ce que l’afflux de skieurs blessés y changerait quelque chose ? Essayons d’y voir plus clair.
Le maire de Grenoble soutient la fermeture des pistes de ski
Le maire de Grenoble a fait grincer des dents en soulignant sur une chaîne de télévision nationale que la fermeture des pistes « n’est pas un sujet majeur ». Il a rectifié ses propos auprès du Dauphiné Libéré pour mieux souligner que « la fermeture des remontées, c’est cohérent si l’on considère que c’est pour protéger l’hôpital ». Egalement Président du Conseil de Surveillance du CHU de Grenoble, Eric Piolle, a un œil averti sur le sujet. Il souligne d’ailleurs que la traumatologie est un problème en soi. Expliquant que certains week-ends, hors période covid, des hôpitaux de montagne sont débordés par l’afflux de skieurs blessés. Dans une période où les services ont été réorganisés pour accueillir plus de malades du coronavirus, et dans des établissements souvent petits et aux marges de manœuvres réduites, le sujet est d’autant plus sensible cette année.
Une fréquentation encore élevée des hôpitaux pour motif COVID
Force est de constater que la pression hospitalière demeure forte et sans commune mesure avec les chiffres enregistrés lors de la première vague. Début novembre, les hôpitaux des départements de montagne étaient au bord de l’implosion. Ci-après, le nombre d’hospitalisations Covid (incluant les réanimations) au fil du temps. En Savoie, le nombre de patients hospitalisés pour le covid est presque 3 fois plus élevé au 1er décembre que lors du pic de la première vague, en avril dernier. La tendance est similaire dans les autres départements de montagne.
Début avril (pics Vague 1) | 01/09 | 01/10 | 01/11 | 16-19/11 (pics Vague 2) | 01/12 | |
Haute-Savoie | 292 | 28 | 39 | 381 | 680 | 480 |
Savoie | 123 | 6 | 22 | 297 | 450 | 307 |
Isère | 255 | 30 | 115 | 751 | 1.095 | 883 |
Hautes-Alpes | 64 | 4 | 10 | 176 | 191 | 186 |
Hautes-Pyrénées | 84 | 7 | 11 | 70 | 192 | 158 |
Il est à préciser que plusieurs dizaines de malades ont été transférés vers d’autres régions de France pour aider les hôpitaux de Savoie, Haute-Savoie et Hautes-Alpes notamment, à faire face à l’afflux.
En parallèle de ce constat, qui masque des disparités, tous les établissements ne sont pas surchargés, quel est le véritable impact de la traumatologie du ski ?
Les stations : grosses sources de blessés ?
L’Association des Médecins de montagne fait les comptes chaque année. Pour la saison 2019-2020, certes légèrement écourtée, ce sont quelques 110.791 blessés qui sont passés entre les mains des médecins suite à des accidents lors de la pratique des sports d’hiver. (Voir les chiffres de la saison précédente).
Si l’on estime la durée de la saison dernière à 4.5 mois, ce sont quelques 800 blessés par jour, générés par les pistes de ski. A l’issue du passage entre les mains des médecins et des centres médicaux de stations, seuls 4% des patients doivent être redirigés vers un hôpital. Ce taux évolue au fil du temps mais n’a pas dépassé 6% sur les 20 dernières années.
On parle donc d’une trentaine de personnes en moyenne chaque jour. Evidemment, les périodes de vacances et les jours de très forte fréquentation, notamment de beau temps, sont au-dessus de la moyenne. Ce sont ces pics qui sont mis en avant par le maire de Grenoble. La fourchette floue de 100 à 200 hospitalisations par jour circule dans le milieu hospitalier concernant ces pics. Bien qu’hypothétique, ce volume est-il ingérable ? Une chose est sûre, au 1er décembre, les hôpitaux des départements de montagne géraient environ 200 nouvelles hospitalisations covid quotidiennes de moins que mi-novembre. Lors du pic de la deuxième vague covid, les hôpitaux des Savoie, Haute-Savoie et Isère réunis accueillaient quotidiennement jusqu’à 333 nouveaux patients pour motif covid. Au 1er décembre, l’afflux de patients a chuté à 133 et la tendance est toujours à la baisse.
Département | Pic vague 2 | 1er décembre 2020 |
Haute-Savoie | 95 | 39 |
Savoie | 72 | 22 |
Isère | 166 | 72 |
Total | 333 | 133 |
Prudence dans les conclusions…
Toutes ces données sont à prendre avec des pincettes, la prise en charge de certains cas de traumatologie étant très gourmande en moyens hospitaliers, tout ne peut être simplement comparé. Néanmoins, les hôpitaux des régions de montagne sont encore très mobilisés par la crise du covid. Les skieurs blessés, eux, sont marginaux au plan « macro » mais peuvent générer de véritables pics à certains moments de la saison. La période des vacances de Noël en fait partie.
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