A deux heures de route de l’Aéroport de Calgary, au cœur des Montagnes Rocheuses canadiennes, un immense hôtel se dresse fièrement. Il domine un lac de carte postale, le Lac Louise. Construit en 1890, l’ambition initiale était toute autre. Au départ, un simple chalet en bois avec deux chambres. La première année, quelques 50 visiteurs y passèrent quelques jours. Vingt ans plus tard, ils étaient déjà 50.000 par an. Il faut dire que, petit à petit, le bâtiment a grandi, avec l’aide de son promoteur historique : la Canadian Pacific Railway. Comme le Many Glacier Hotel dans le Montana, c’est le développement du chemin de fer qui a permis la construction de ce qui allait devenir l’actuel Fairmont Chateau Lake Louise.
Plus de 100 ans plus tôt, William Cornelius Van Horne, le patron de la Canadian Pacific Railway en est convaincu : le Lac Louise fera une destination parfaite pour les touristes fortunés du pays. « Si on ne peut pas exporter le paysage, on importera les touristes » expliquait-il alors. Au-delà de la construction de son hôtel, il plaida pour la création d’un grand Parc National. Le Futur Parc National de Banff. Il est inscrit depuis 1985 au Patrimoine Mondial de l’UNESCO.
Au fil de son histoire, cet endroit a été le berceau de l’alpinisme canadien mais aussi un curieux laboratoire de recherche pendant la seconde guerre mondiale.
Les guides de montagne suisses
En août 1896, alors que les visiteurs étaient de plus en plus nombreux à s’aventurer en montagne (au départ du Lac Louise), un accident marqua les esprits. Un certain Phillip Abbot chuta mortellement à proximité du sommet du Mont Lefroy. Il s’agissait alors du premier accident « d’alpinisme » au Canada. La Canadian Pacific Railway chercha alors à professionnaliser les excursions en montagne et embaucha des guides de montagne. Où trouver des guides qualifiés au début du XXe siècle ? Dans les Alpes évidemment. Deux guides suisses furent engagés : Christian Häsler et Edouard Feuz. Avec les générations suivantes, ils prirent par à quelques 250 premières ascensions dans les Rocheuses Canadiennes. L’influence suisse n’a pas disparu. Aujourd’hui encore, on peut manger de la fondue au restaurant de l’hôtel !
Au-delà de l’alpinisme, les guides forment également des milliers de touristes aux joies du ski sur les pistes naissantes de la station de Lake Louise dans les années 1930. Ce n’est pourtant que 40 ans plus tard que l’hôtel ouvrira en hiver. Aujourd’hui, il accueille chaque hiver les participants des épreuves de coupe du monde de ski alpin.
Le laboratoire militaire
Pendant la Seconde Guerre Mondiale, l’heure n’était plus au tourisme. L’hôtel ferma ses portes mais il ne se vida pas complètement. Des scientifiques venus de plusieurs universités renommés du Canada s’y installèrent pour un programme destiné à l’armée. Il était question de mettre au point un nouveau matériau, mélange de glace et de pâte de bois. Très résistant, il aurait pu servir – comme ses concepteurs l’imaginaient – à la construction d’immenses navires de guerre. Insubmersibles car constitués de glace. Un prototype de presque 1.000 tonnes fut même assemblé sur un autre lac des Rocheuses Canadiennes mais le projet, très couteux et plutôt incertain, fut abandonné par les Britanniques qui avaient commandé ces travaux.
Aujourd’hui, le modeste hôtel du Lac Louise est devenu un établissement de luxe. Une chambre en plein été pourrait bien vous y coûter plus de 700 € la nuit.
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