Le rapport public annuel de la Cour des Comptes est formel. L’économie des stations de ski souffre d’une « vulnérabilité croissante », et ce face à la conjonction de différents paramètres. Réchauffement climatique et neige plus incertaine, nouveaux concurrents, clients plus exigeants. Dans ce contexte, l’industrie touristique de montagne doit affronter un autre péril : la diminution de son parc locatif. Des lits qui finissent par n’être occupés que quelques jours par an. Dans les stations françaises, 30 à 40% des lits touristiques sont occupés moins de quatre semaines par an. Et la tendance n’est pas au ralentissement : en fonction des régions, 1 à 5% des lits quittent chaque année le circuit locatif.
« De 3.000 à 5.000 lits par an qui sortent du circuit locatif »
Pour une station, le résultat est clair. Moins de lits à la location, cela se traduit par une fréquentation structurellement en baisse et c’est toute l’économie locale qui est impactée. Moins de forfaits vendus, moins de cours de skis, moins de ventes dans les commerces de la station… Tous les acteurs du tourisme sont concernés, directement ou indirectement.
Depuis quelques années, des acteurs majeurs du monde des stations ont compris l’urgence de prendre ce sujet à bras le corps. Plusieurs initiatives sont ainsi nées pour soutenir des projets de rénovations ou de diversification de l’hébergement locatif.Deux sociétés foncières ont été crées, pilotées en grande partie par la Caisse des Dépôts (et des banques, et la Compagnie des Alpes pour l’une d’entre elles). Pour réinjecter des lits touristiques dans le circuit, ces foncières ont deux tactiques différentes : investir des capitaux dans la rénovation d’hôtels pour l’une, acheter des appartements vieillissants pour les rénover et les revendre pour l’autre. Ces deux foncières mobilisent des capitaux importants.
« le lit touristique est avant tout un outil économique générateur d’activités et d’emplois »
Pascal VIE, Gérant de Affiniski et Directeur Général délégué de Savoie Stations Ingénierie Touristique*, travaille à un véritable changement de paradigme : « le lit touristique doit désormais être appréhendé comme un outil de production, plutôt qu’un placement pour les particuliers ».
Il y a quelques années, il participe à la création à l’échelle de la Société des 3 Vallées (S3V) d’une structure capable d’accompagner les propriétaires de lits froids dans « leur parcours du combattant » pour les rénover et les remettre ainsi dans le circuit locatif. A l’initiative de Michel Bouvard, PDG de SSIT et alors Sénateur de la Savoie, le dispositif est élargi sous la bannière Affiniski.
Ce « guichet unique » offre des prestations aux propriétaires pour les aider à rénover ou à acheter du rénové : architectes, artisans, conseils en fiscalité, partenariats bancaires, gammes de meubles… Moyennant une cotisation de la station concernée, les propriétaires accèdent gratuitement à ces solutions de conseil. Et les rénovations vont bon train. En une année, près de 900 lits ont ainsi pu être réchauffés et remis dans le circuit locatif. Via un outil qui ne mobilise pas de capitaux importants mais qui apporte une expertise de conseil.
« la création des FILM est une bonne chose… »
Et Pascal VIE est enthousiaste ! Il sent que le sujet est enfin pris en compte par les pouvoirs publics. « La création des Fonds d’Investissement en Location Meublée est une bonne chose, ils permettent aux particuliers d’investir en étant propriétaire de parts d’un ensemble immobilier, pas d’un appartement donné. Du coup, le jour où ils veulent quitter le dispositif, les appartements restent gérés de façon cohérente et ne quittent pas le parc locatif ».
Depuis quelques années, l’évolution de la fiscalité a ralenti la compensation des lits froids. Les nouveaux lits tous chauds, issus de programmes neufs, sont moins nombreux. Alors, il plaide pour que le cadre fiscal continue d’évoluer pour faciliter la rénovation. « Une transposition de la fiscalité avantageuse du Censi-Bouvard sur la rénovation serait une bonne idée. Si vous rénovez : vous avez un petit coup de pouce fiscal ». Il insiste d’ailleurs sur l’aspect vertueux qu’aurait une telle mesure : « le produit fiscal est facilement démontrable, la moindre recette au niveau du propriétaire qui rénove est largement compensée par des recettes complémentaires à d’autres niveaux : taxe sur les remontées mécaniques, TVA sur les dépenses en station… ».
Pascal VIE pousse aussi pour « la mobilisation de l’épargne locale dans des projets de diversification des hébergements touristiques ».
« il y a une réelle volonté politique d’utiliser le tourisme comme un facteur de croissance »
Autant de pistes de solutions pour faire face aux lits froids. Pendant plusieurs décennies, les principaux acteurs n’étaient pas focalisés sur la prise en compte de cet enjeu. Désormais, il semble que les mesures se multiplient et que les pouvoirs publics s’intéressent au sujet. Pour preuve, le Premier Ministre, Edouard Philippe, qui parle de « friches touristiques » et de « lits froids volets clos » lors de son discours à Chambéry le 19 janvier dernier.
* SSIT est une société d’économie mixte détenue en grande majorité par le Département de la Savoie. Elle est actionnaire d’une quinzaine de sociétés d’exploitation de remontées mécaniques. Elle est notamment le premier actionnaire de la SETAM (Val Thorens).
Une réflexion sur « Des initiatives prometteuses pour lutter contre les lits froids »
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